Réal Boisvert – Opinion – mai 2021
Quelle que soit la crise qui nous tombe dessus, les populations les plus vulnérables au plan socio-économique sont celles qui habituellement en subissent davantage les conséquences. La crise provoquée par la pandémie ne déroge pas à la règle. Déjà on observait, lors des premières semaines de transmission du coronavirus, que les foyers d’éclosion touchaient certaines communautés plus sévèrement que d’autres. On signalait en effet, en avril 2020, que Montréal-Nord , l’un des quartiers les plus pauvres de la ville, était devenu l’épicentre de la pandémie à Montréal.
Depuis lors, la COVID-19 atteint toujours des sommets à certains endroits. C’est le cas de l’Ontario. Il en va de même pour la Capitale nationale, l’Outaouais et Chaudière-Appalaches qui sont touchées de plein fouet. On ne saurait toutefois imputer l’ampleur du phénomène à la pauvreté, car ces régions ne sont pas les plus défavorisées du Québec. Bien au contraire ! De toute façon, les statistiques recueillies à cette échelle ne permettent pas d’isoler un facteur en particulier pour expliquer la prévalence territoriale de telle ou telle affection et des conséquences.
Ce qui ne nous empêche en rien de savoir que pour la population en général, la pandémie ne sévit pas à l’aveugle et que la désorganisation qu’elle entraîne ne touche pas tout le monde avec la même intensité. Elle affecte davantage les hommes et les femmes vulnérables au plan socio-économique. Parmi eux, on pense aux femmes monoparentales, aux personnes seules, aux jeunes vivant en milieu défavorisé, à certaines communautés culturelles, aux personnes handicapées, aux autochtones, aux travailleurs à temps partiel et autres. Ces populations sont aussi plus souvent aux prises avec des problématiques de santé mentale, de démotivation et de décrochage scolaire, d’insécurité alimentaire, de suicide. Bref, la cause est entendue, COVID-19 frappe plus durement les pauvres, dégrade leur santé et creuse les inégalités.
Pour illustrer la chose, prenons le cas des personnes qui sont bénéficiaires de l’aide sociale. Leurs prestations ne sont pas ajustées en fonction de la gravité de la pandémie. Pourtant, il leur en coûte beaucoup plus cher pour se loger et se nourrir en raison de l’augmentation récente des prix de la nourriture et du logement. Comme de fait, leur manque à gagner a des répercussions sur l’achat de masques ou autres produits désinfectants. Ils sont plus nombreux à payer en espèces. La distanciation physique est plus difficile dans les espaces restreints qu’ils occupent, notamment en raison de la densité du territoire, de la promiscuité et de la salubrité des loyers. Bref, le lien entre la pauvreté et la pandémie ne fait plus aucun doute.
Comme les revers de la vie s’acharnent plus souvent sur les mêmes gens, il se trouve que les personnes en situation de pauvreté ne sont pas vaccinées au même rythme que l’ensemble de la population. C’est du moins le témoignage que livrait récemment la coordonnatrice générale de COMSEP, Sylvie Tardif, dans les pages du Nouvelliste. Rappelons que cette femme sait de quoi il en retourne quand elle parle de pauvreté. Selon elle, la résistance à la vaccination observée en milieu de pauvreté dans les premiers quartiers de Trois-Rivières s’expliquerait par le fait que plusieurs ne savent pas lire, n’ont pas accès à Internet, sont mal informés ou ne comprennent pas les enjeux à la transmission communautaire. Le centre de vaccination est éloigné de leur domicile, ce qui n’arrange rien. Le CIUSSS n’a toujours pas répondu à la proposition d’accueillir une clinique de vaccination au rez-de-chaussée de sa bâtisse de la rue Saint-François-Xavier.
Parlant du CIUSSS, plusieurs organismes, dans un souci d’adapter leurs interventions aux caractéristiques et aux besoins des populations qu’elles desservent, consultaient régulièrement l’Atlas des inégalités de santé et de bien-être en Mauricie et au Centre-du-Québec. On trouvait là des informations de première importance sur la situation socio-économique et socio-sanitaire des communautés de la région, soit les quartiers ou les paroisses dans les villes ou les villages en milieu rural. Or ce site, pour une raison ou pour une autre, n’est plus accessible. Dommage. Les informations relatives au coronavirus colligées à cette échelle nous seraient bien utiles dans l’arsenal des moyens pour combattre la pandémie, en particulier là où elle se fait sentir avec le plus de vigueur et pour intervenir auprès des groupes d’individus qui en subissent les plus graves conséquences.