Si vous vous êtes rendus dans un écocentre de la Mauricie récemment, vous avez peut-être constaté que plusieurs matériaux de construction, meubles, électroménagers, lampes et autres trésors « récupérables » s’y retrouvent. Or, bien malheureuse est la personne qui voudrait réutiliser les objets ou faire des projets de constructions en matériaux récupérés (de style Pinterest) avec les diverses matières : une fois dans un écocentre de la région, elles ne sont plus disponibles au réemploi.
La stratégie de gestion choisie pour les six écocentres d’Énercycle (Régie de gestion des matières résiduelles de la Mauricie) vise plutôt une valorisation des matières qui y sont déposées. Celle-ci fonctionne assez bien pour réduire l’enfouissement : en 2019, 75 % des 24 264 tonnes de matières qui ont transité par les six écocentres d’Énercycle ont été acheminées vers des transformateurs afin pour y être revalorisées de différentes façons. Par exemple, le bois de construction, qui constitue plus du tiers des déchets gérés par les écocentres (8740 tonnes en 2019), est acheminé au groupe Bellemare où il est broyé et revendu à un fabricant de panneaux de bois aggloméré. Les résidus qui ne peuvent pas servir à cette fin sont utilisés comme combustible.
Redonner la priorité au réemploi
Si la valorisation est préférable à l’enfouissement, elle arrive toutefois tardivement dans la hiérarchie des 3RV-E qui demande que la priorité soit accordée dans l’ordre à la réduction à la source (R) et au réemploi (R), avant le recyclage (R), la valorisation (V) et l’élimination (E). La politique québécoise de gestion des matières résiduelles fait donc du réemploi la deuxième option à privilégier en priorité. Selon RECYC-QUÉBEC, ce réemploi peut être encouragé dans les écocentres par « la création d’un espace de vente destiné aux citoyens ou le don à des organismes de bienfaisance. »
Des ressourceries à même les écocentres ?
Dans un mémoire déposé à Énercycle dans le cadre des consultations sur la révision du plan conjoint de gestion des matières résiduelles (PCGMR) 2023-2030, le Service d’aide au consommateur de la Mauricie (SAC) propose que certaines matières récupérables des écocentres soient rendues disponibles à la population. « Des citoyens et des artistes recycleurs nous ont informés qu’auparavant, il était possible d’accéder à des matériaux dans les écocentres », explique Sébastien Bois, intervenant en défense des droits au SAC. De nombreux citoyen.nes et certains organismes lui ont fait part de leur désir d’accéder à certaines matières qui s’y trouvent.
Un employé d’un écocentre de la région a confié à La Gazette de la Mauricie voir « passer » suffisamment de matériaux dans l’année « pour construire et meubler plusieurs maisons. »
« Les gens souhaitent l’implantation d’une ressourcerie qui pourrait ressembler à celle de Baie-Comeau », précise Sébastien Bois.
Le magasin de réemploi de Baie-Comeau, géré par la Régie de gestion des matières résiduelles de Manicouagan, est d’ailleurs souvent cité comme modèle. Il permet d’offrir une seconde vie à un nombre incalculable de matériaux et d’objets, directement sur le site de l’écocentre.
Isabelle Giasson, directrice de la Régie explique son fonctionnement : « lorsqu’un citoyen entre à l’écocentre, il y passe par un poste de pré-tri, où tout ce qui peut avoir une deuxième vie ou être transformé sur place est séparé du reste. Les objets et les matériaux sont ensuite inspectés et réparés au besoin avant d’être avant d’être mis en magasin à prix abordable.»
« L’objectif est de développer une véritable culture de la réparation, révèle madame Giasson. On cherche à inspirer les gens à faire les choses eux-mêmes, à réparer et à éviter d’acheter neuf. C’est aussi une façon de réduire les gaz à effet de serre », fait-elle valoir.
Un atelier d’ébénisterie est annexé au magasin, ce qui permet de reconditionner ou de créer des meubles et autres objets à partir du bois qui autrement aurait été déposé dans un conteneur. « Le prix du bois a beaucoup augmenté ! Les personnes qui viennent s’approvisionner en bois au magasin font de bonnes économies », se réjouit Isabelle Giasson.
La gestionnaire dit recevoir de nombreuses visites et demandes d’information de régions qui veulent s’inspirer du concept. En opération depuis 7 ans, le magasin de réemploi de Baie-Comeau a gagné un prix Mérite ovation municipale de l’Union des municipalités du Québec, l’année dernière.
Lors d’une séance de consultation virtuelle en janvier dernier, les responsables du plan de gestion d’Énercycle ont confirmé avoir examiné la possibilité de créer de telles ressourceries sur les lieux des écocentres de la Mauricie ou de conclure des partenariats avec des organismes locaux pour assurer le réemploi des objets récupérables déposés aux écocentres. Ces mesures n’ont cependant pas été retenues dans le projet de PCGMR.
Pour monsieur Bois, les raisons évoquées par Énercycle pour rejeter ces options de réemploi sont peu convaincantes. « On nous sert des difficultés administratives. Or, l’implantation d’une ressourcerie n’est pas obligée d’être sous l’administration d’Énercycle. Elle pourrait être faite avec un organisme à but non lucratif. »
« Le réemploi est une pratique qui est difficile à mesurer, ce qui donne l’impression parfois qu’il n’y a rien qui se fait », explique Lauréanne Daneau, directrice générale d’Environnement Mauricie. Or, selon elle, plusieurs intervenants de la région travaillent actuellement à trouver des solutions pour le réemploi, notamment des encombrants. « Ce genre de démarche n’est pas simple et implique des organismes, institutions et entreprises d’économie sociale à tous les niveaux de la chaîne (transport, entreposage, plateaux de travail pour le démantèlement, etc.) », précise-t-elle.
On peut lire dans le nouveau projet de plan de gestion d’Énercycle, qu’il prévoit à court terme « documenter et soutenir les actions des organismes et entreprises d’économie sociale qui œuvrent en réemploi et en réduction à la source. »
Écocentre : lieu public aménagé pour le dépôt de matières recyclables, de résidus encombrants, de résidus domestiques dangereux (RDD), de matériaux de construction, de rénovation ou de démolition (CRD), de matières organiques (feuilles mortes, branches, etc.) et d’objets récupérables, dans le but d’en encourager le réemploi et le recyclage. (RECYC-QUÉBEC)
Réemploi : l’utilisation répétée d’un produit ou d’un emballage, sans modification de son apparence ou de ses propriétés. Sont considérés comme du réemploi la vente et le don d’articles usagés, même si ces articles ont été nettoyés ou réparés. (RECYC-QUÉBEC)
Ressourcerie : Centre environnemental et communautaire de récupération, réparation, réutilisation et réemploi de déchets pour, entre autres, limiter le volume d’encombrants qui finissent en décharge ou en incinérateur. (Wiktionnaire)
Source : https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/lexique/