En 1961, des programmeurs universitaires américains lancent le mythique jeu Space War!(1). Cependant, ce n’est pas un « jeu vidéo » à proprement parler, puisqu’il n’est pas accessible au grand public dans les années 1960. C’est seulement en 1972 que le phénomène des jeux vidéo va réellement commencer avec la fondation d’Atari et la sortie du célèbre jeu Pong. Dès lors, c’est le début d’une révolution qui va changer notre rapport avec la réalité. Le 10e art est né!
En 1976, le gouvernement Lévesque promulgue une loi qui autorise l’ouverture de salles de jeux électroniques et de machines à boule. Elles peuvent désormais opérer en toute légalité, ce qui n’était pas le cas avant 1976. Or, dès la fin des années 1970, on retrouve des salles de jeux d’arcade un peu partout au Québec. Elles atteindront leur apogée au début des années 1980.
Qu’est-ce qui a fait la popularité des jeux d’arcade ?
Il y a plusieurs éléments qui expliquent leur popularité. Premièrement, la durée des jeux ne doit pas être trop longue « de manière à provoquer une forte rotation des joueurs ». Parallèlement, les jeux ne doivent pas représenter un niveau de difficulté élevé. C’est pourquoi on mise sur les jeux d’action qui « ne nécessitent pas ou peu d’apprentissage de règles ».
On cherche enfin à rejoindre un grand nombre de joueurs, « quel que soit leur âge ou leur niveau culturel ». Il est donc important d’avoir « une interface simple et robuste : une manette ou, dans les premiers temps, une molette et quelques boutons indestructibles ». Dans ces conditions, les arcades « vont très vite devenir la forme de jeu la plus populaire, toutes catégories confondues, dans les pays développés » (2).
Malgré sa popularité, les salles d’arcade ne jouissent pas d’une très bonne réputation dans la belle province (5).
D’où vient cette mauvaise presse, alors qu’aujourd’hui l’industrie du jeu vidéo est l’une des plus populaires et lucratives au monde?
Selon Julien-Alexandre Bazile, « [l]es machines à boule existaient bien avant l’apparition des jeux vidéo, et on les trouvait dans les salons de quilles, les bars et les patinoires [entre autres]. C’est en partie à cause de cet emplacement assez varié que, par association, les jeux d’arcade commencent à avoir un petit peu mauvaise presse (3) ». Sans compter la clandestinité de certains établissements qui en exploitent.
Outre cela, et selon les corps policiers de l’époque, elles encourageraient la débauche, la consommation d’alcool, le vol, la prostitution, le trafic de drogues et leur consommation.
Par exemple, dans un article du Nouvelliste daté de 1979, l’inspecteur de police de Trois-Rivières Normand Rouette affirme que :
« ce sont des endroits fréquentés par des très jeunes et qui favorisent la réunion d’éléments criminogènes ou homosexuels. L’attrait des jeunes pour le jeu amène des problèmes d’argent et ils se livrent au vol ou à la débauche pour assouvir leur passion. La police reçoit des plaintes de parents à l’effet [sic] que leurs enfants dépensent l’argent d’allocation de repas, etc… [sic] On reçoit également des plaintes de citoyens qui sont offusqués par le peu de législation dans ce domaine (4)».
On associe également les arcades aux machines à sous en raison de la monétisation. Elles « sont considérées comme une drogue », puisqu’elles répondent « à un besoin de compétition avec les autres ou lui-même, elles semblent répondre à un besoin de valorisation et de dépassement de soi ».
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On les perçoit donc comme étant des lieux de rencontre où les adolescent(e)s sont susceptibles de se livrer à des actes de délinquance ou criminels et de développer une dépendance. C’est là que les jeunes font leurs premières expériences selon les autorités.
Cependant, il ne faut pas généraliser, puisque ce ne sont pas toutes les salles de jeu qui ont la réputation d’être mal tenues. Toutefois, cela soulève bien des questions auprès des autorités municipales.
Interdire ou contrôler ?
En mars 1979, le Nouvelliste publie une série de trois articles qui abordent l’interdiction des salles de jeux d’arcade à Trois-Rivières.
Pour les enquêteurs des différents corps policiers municipaux, de la Sûreté du Québec et de la gendarmerie du Canada, on recommande d’interdire les salles d’arcade aux moins de 18 ans. Ils définissent ces endroits comme étant des lieux de prédilection « pour le trafic et la consommation de drogues ». Un ramassis de délinquants et de criminels!
Pour la protection de la jeunesse de l’époque, on recommande plutôt de mettre en place une législation stricte qui permettrait de diminuer les cas de délinquance juvénile et « de doter les municipalités de plus de facilités pour créer des loisirs [municipaux et scolaires] aux jeunes ».
Quelques années plus tard, en 1982, le gouvernement québécois promulgue la loi 92 qui autorise les municipalités à interdire ou restreindre l’accès de ces salles dans leur juridiction (8). Plusieurs villes emboîtent le pas de l’interdiction, comme à Charlesbourg qui les ferme définitivement sur son territoire. Un effet domino se produit alors puisqu’un mouvement d’opposition se crée au sein de certaines municipalités contre ces salles. Toutefois, rien n’indique que Trois-Rivières ait suivi le mouvement de l’interdiction sur son territoire.
Malgré cela, l’arcade est un symbole fort des années 1980 et pour les adeptes de jeux vidéo. Aujourd’hui, le Québec est un « haut lieu du jeu vidéo au Canada. […] la province se distingue sur le marché mondial de l’industrie culturelle la plus lucrative au monde ; elle est présentement [sic] un leader international dans le développement du jeu vidéo dit mainstream, […] [et] Montréal est considérée comme la capitale du jeu vidéo (5)».