Véronique Hébert, dramaturge, comédienne et doctorante en études théâtrales. Photo : Lori Calman

le sabord logoProfesseure invitée au département de lettres et communication sociale à l’Université du Québec à Trois-Rivières, Véronique Hébert offre des cours de création littéraire en production théâtrale sur la question du Nitaskinan (territoire atikamekw). Dramaturge, comédienne et doctorante en études théâtrales, elle cumule les engagements culturels et sociaux dans le dessein de faire vivre et connaître la culture atikamekw. 

Issue de deux communautés, celle de Wemotaci (Haute-Mauricie) et de La Macaza (Laurentides), où a été fondé le premier collège pour Autochtones (Manitou), Véronique Hébert entretient une relation riche avec le territoire. Ses grands-parents lui ont inculqué les savoirs ancestraux, en insistant sur l’importance de la maîtrise de la langue française. Eux-mêmes ayant été privés de leur rôle parental par les pensionnats qui leur avait ravi leur fille, ils ont fait une priorité de transmettre à leur descendante le savoir-faire et les connaissances atikamekw. En tant qu’enfant de la première génération de pensionnaires, Véronique Hébert témoigne de la position difficile dans laquelle elle était placée : « on ne pouvait pas blâmer nos parents, victimes des pensionnats, mais on écopait de tous les contre-coups » (absence de figure parentale, haine de sa propre culture autochtone, etc.). En effet, « l’un des effets les plus tristes des pensionnats, révèle-t-elle, c’est que les jeunes adultes qui en sortaient avaient honte de leur culture autochtone. Donc, quand les grands-parents transmettaient leur savoir à leurs petits-enfants, ça créait des tensions entre les générations. » La dramaturge cherche à renverser ce rapport honteux à la culture en valorisant particulièrement dans ses pièces les traditions ancestrales de sa communauté. 

Pour Véronique Hébert, le théâtre comme moyen de création allait de soi : « il y a une forme de théâtralité à même la culture atikamekw, par le conte, l’oralité, le mode de vie, le rythme, le respect du silence, le temps d’écoute, le langage non-verbal », explique-t-elle. Cette pratique artistique l’a interpellée dès son plus jeune âge. À 17 ans, elle a quitté son village pour aller étudier en théâtre à Montréal, mais elle a ressenti une gêne : « très tôt, j’ai senti que, comme Autochtone, ce n’était pas ma place. Mes collègues de classe avaient un regard désapprobateur ; ce n’était pas comme aujourd’hui ». Ce qui la pousse à abandonner. Dix ans plus tard, elle renoue avec la scène par le biais de sa sœur qui lui fait connaître la compagnie de théâtre Ondinnok, qui offrait une formation en collaboration avec l’École nationale de théâtre du Canada. Elle est retenue pour le programme de trois ans, mais la naissance de sa fille l’empêche de terminer la formation. Elle choisit tout de même de s’inscrire au baccalauréat et c’est au terme de cette formation qu’elle constate « qu’il n’y a presque pas mention du théâtre autochtone nulle part ». Elle décide alors de poursuivre ses études à la maîtrise, où elle s’intéresse au chamanisme dans le théâtre féministe de Jovette Marchessault et de Pol Pelletier.

Après avoir enseigné à Wemotaci, Véronique Hébert se lance dans un doctorat en recherche-création. « L’objet principal de ma recherche est la structure linguistique atikamekw et sa transposition scénographique », résume-t-elle. Si elle est inscrite au doctorat à l’UQÀM, la dramaturge et chercheuse salue l’apport des professeur·es en linguistique de l’UQTR dans le développement de sa problématique. Ce contact inattendu dans son parcours lui a permis de se munir d’outils théoriques sur la science du langage pour mieux comprendre la relation entre le territoire et la langue atikamekw : « il y a une façon de créer des images, dans la langue atikamekw, qui est très poétique. Quand tu traduis en français, c’est fort et empreint de spiritualité. » Cette langue, dont la structure rappelle celle de l’allemand, est formée par un noyau central, un verbe (principalement d’action, ceux-ci constituant 80% des verbes atikamekw), autour duquel s’accolent des préfixes et des suffixes qui créent la phrase. La langue réfère constamment à un lexique de faune, de flore et de savoir-faire (pêche, trappe, chasse, cueillette, etc.), qui constitue un matériau de choix pour les dramaturges. La doctorante donne l’exemple du mot « notcimik, qui veut dire la forêt ; mais quand tu le décortiques, il signifie là d’où vient notre sang ». Elle a eu l’occasion d’explorer cette poésie linguistique à travers ses diverses créations jouées sur les planches, dont la pièce Métusse (Ondinnok, 2013), Oka (revue Inter, 2016) et Notcimik (Festival de présence autochtone, 2021). 

La jeune artiste a également été approchée en septembre dernier à Montréal pour contribuer à une œuvre collective pour la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, mais elle a refusé, souhaitant plutôt poursuivre son engagement dans le Nitaskinan. « L’artiste autochtone a des droits, des privilèges, mais a aussi des responsabilités, soutient-elle. Ce qui est dommage, avec les politiques gouvernementales, c’est qu’elles centralisent les artistes dans les milieux urbains », les sortant par le fait même de leur communauté. Selon Véronique Hébert, cette diffusion dans les grands centres nuirait même à leurs causes : « lorsque le gouvernement subventionne l’art autochtone, ce financement crée un voile sur les vrais enjeux. Nos revendications ne sont jamais entendues (infrastructures scolaires, revendications du territoire, etc.). » Les artistes des différentes communautés deviennent les représentant·es des causes sociales et politiques ; or ce n’est pas à eux de « porter toute la parole; des élu·es sont choisi·es dans les communautés pour transmettre les idées et les revendications, mais on n’en entend jamais parler », s’insurge-t-elle. 

Le théâtre est pour Véronique Hébert sa « façon de [s]e réapproprier toute la spiritualité, le rapport à l’invisible, le sacré, qui a été un peu évacuée avec la colonisation », et il est primordial pour l’artiste non seulement d’inclure des membres de sa communauté dans ses productions, mais aussi de tenter autant que possible de rendre ces dernières accessibles au public autochtone. Parmi ses projets à venir, mentionnons un spectacle multilingue et multigénérationnel réalisé conjointement avec des artistes atikamekw et les étudiant·es de ses classes de l’UQTR, prévu à la mi-avril. 

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