Afin de rendre hommage à François Blais, qui s’est éteint il y a moins d’un an à Charette en Mauricie, les professeurs de littérature David Bélanger et Cassie Bérard ont convié le milieu universitaire et artistique à venir explorer son œuvre dans sa région natale.
La classe de monsieur François
Les 16 et 17 mars derniers se sont réunis près d’une trentaine de littéraires au Musée POP de Trois-Rivières pour commémorer, dans le cadre des journées d’étude et de création sur l’œuvre de François Blais, le parcours de cet auteur grand-mérois devenu incontournable dans le paysage littéraire québécois depuis la parution de son premier roman en 2006.
Organisées grâce au soutien financier de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), du Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), de Figura – le centre de recherche sur le texte et l’imaginaire – et du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) du Canada, ces deux journées d’étude se voulaient une invitation à réfléchir à cette œuvre conséquente et, ce qui est d’autant plus remarquable, si diversifiée : des romans pour adultes aux albums et livres pour la jeunesse en passant par les chroniques dans Protégez-vous et les nouvelles éparpillées en revues culturelles, François Blais a élaboré une œuvre d’une cohérence à couper le souffle.
« Le but, c’est de continuer à faire vivre l’œuvre de François », explique Cassie Bérard, professeure à l’UQAM et co-organisatrice de l’évènement avec David Bélanger, nouvellement professeur à l’UQTR. Ce dernier entretenait avec l’écrivain « une relation intéressante, il était presque son critique privilégié. David a traversé l’œuvre de François dans LQ , raconte Cassie Bérard, visiblement émue, il a commenté presque chacune de ses œuvres, ce qui explique pourquoi, lorsque François nous a quittés en mai dernier, il nous paraissait clair que nous devions faire quelque chose pour honorer sa mémoire, et pourquoi pas ici, en Mauricie, région que François a si souvent mise en valeur dans ses livres. »
Le cynisme dans l’œuvre de Blais
Le qualificatif qui n’a cessé d’être répété pour désigner l’œuvre de l’auteur, qui rappelle celle de Réjean Ducharme, est le « cynisme ». Empreinte d’humour noir, cette œuvre légère et grinçante fait mine de nier la profondeur et la gravité des sentiments humains pour mieux se réfugier dans le trivial, le grivois et le superficiel. Chez Blais, l’amitié « se présente comme une sorte de rempart » contre la tragédie du quotidien, affirme Martine-Emmanuelle Lapointe, professeure à l’Université de Montréal. Loin de prendre ses lectrices et lecteurs pour des idiots, les narrateurs de Blais entretiennent avec ceux-ci une relation ludique, jouant – ou se jouant – des conventions littéraires.
D’une grande lucidité, les personnages, particulièrement railleurs, de Blais sont animés par la volonté de bouleverser et de contester les normes – arbitraires – établies par la société occidentale et capitaliste, pensons « notamment à la performance, au consumérisme et à l’excellence », lance Claudie Létourneau, étudiante à l’Université Laval.
Dans ses romans, François Blais montre, d’après David Bélanger, « la stupidité intrinsèque du système » et ne cesse de rappeler que « le théâtre de la consommation est un lieu traversé d’injustice et de violence », ajoute l’autrice et postdoctorante Charlotte Biron. Contre la brutalité de ce système, l’œuvre de Blais – qui s’oppose au positivisme toxique de notre époque – conseille « de voler, d’être inefficace et de laisser les choses s’effondrer », ajoute-t-elle, consciente qu’il s’agit-là d’actions peu recommandables. D’après Stéphane Inkel, professeur à l’Université Queen’s, « François Blais a de l’affection pour les perdants et nous, nous avons de l’affection pour lui parce qu’il fait preuve d’empathie envers eux. »
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Les enfants-prophètes
D’après Kiev Renaud, professeure à l’Université de Sherbrooke, l’enfant est une figure idéalisée qui occupe une place de choix dans l’œuvre de Blais, car « le point de vue enfantin permet d’aller plus loin dans le sarcasme et la critique sociale. » Conscients de toute l’euphémisation du monde qui leur est livré, « les enfants sont présentés comme de grands sages, lucides, dont la pensée n’a pas encore été anesthésiée par les lieux communs », eux seuls ont encore la capacité de rêver.
« Tous les personnages de François Blais restent, à leur façon, des enfants ; ils sont des vecteurs de vérité. Pour eux, refuser de grandir, c’est refuser de jouer au jeu que tout le monde joue », ajoute-t-elle. En somme, l’œuvre de cet auteur mauricien, dont nous vous suggérons chaleureusement la lecture, nous invite à faire un pas de côté afin d’observer les conventions sociales et d’en rire un peu.
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