Cet été, notre chroniqueur a fait un marathon au plus grand événement culturel et musical de la Mauricie, le FestiVoix de Trois-Rivières. Chaque jour, il est allé voir au moins trois formations musicales pour un total de 35 en 9 jours. Voici un résumé de son expérience en tant que festivalier.
30 juin
Je me suis déplacé vers la scène du monastère, dans la somptueuse cours arrière des Ursulines. J’ai pu y apprécier, pour la première fois de mon existence, l’excellente et séduisante autrice-compositrice-interprète Linda Lemay (née en 1966), réputée pour ses chansons à texte, mêlant humour, poésie, histoire de vie et émotions profondes. Sa manière bien à elle de parler en chantant a évidemment conquis rapidement le public, autant par ses grands succès comme « La visite » que ses plus récentes pièces composées pendant la pandémie, notamment sur le thème de la famille ou des aidants naturels. En effet, l’artiste s’est récemment donné le défi – et la grande liberté musicale – de composer 11 albums de 11 chansons en 1111 jours! La guitariste, visiblement très heureuse d’être présente, était accompagnée pour l’occasion de son arrangeur musical favori, le talentueux Claude Pineault, aussi pianiste et guitariste. Pendant une heure et demie, elle nous a présenté des extraits de son dernier spectacle qui a normalement une durée de trois heures et qu’elle présentait pour la première fois en plein air. Elle a terminé sa performance avec sa populaire pièce « Le plus fort c’est mon père » en compagnie de son amie, la chanteuse trifluvienne Fabiola Toupin (née en 1975) – qu’elle avait connue lors de la présentation de son opéra folk « Un éternel hiver », présenté au festival musical en 2005 – sans doute l’artiste locale qui a le plus souvent monté sur les scènes du FestiVoix dans son histoire.
2 juillet
J’avais très hâte au groupe trad Le Vent du Nord qui vient de fêter ses « 20 printemps ». J’écoute assidument ce quintette de folklore déjà connu sur la scène internationale mais je n’avais jamais eu la chance de les voir en spectacle. De plus, malgré deux décennies de carrière, c’était eux aussi leur première performance musicale au FestiVoix de Trois-Rivières. La foule a rapidement embarqué dans leur musique traditionnelle si vivante et si festive, alternant parfois avec des chansons a cappella (sans accompagnements). Seulement quelques pièce plus tard après le début du concert, un groupe de personnes dansait joyeusement devant la scène des Jardins. Multi-instrumental, dont une vielle à roue, et ayant participé au mouvement de renaissance du trad au Québec, Le Vent du Nord est certainement un groupe à voir en concert sans modération. Si vous n’avez pas encore entendu l’un de leurs huit albums, il n’est pas trop tard pour s’y mettre! Extrait vidéo (solo de vielle à roue) : https://youtu.be/QFKEX5nNKJE
Pour terminer la soirée, rien de mieux que l’impressionnant Mononc’ Serge (né en 1970), l’ancien bassiste du groupe Les Colocs qui fait carrière solo depuis plus de 25 ans. Il a déjà au moins 15 albums studio, deux DVD et un album live. C’est clairement l’artiste que j’ai le plus souvent vu en spectacle dans ma vie, ça doit faire au moins trente fois depuis deux décennies. Mais à chaque fois, il ne déçoit pas, on repart crinqué et rempli d’énergie. Accompagné de ses fidèles acolytes, Ugo Di Vito à la batterie et Peter Paul à la guitare, pour former le trio Mononc’ Serge et les Crosmonautes, l’artiste nous a offert des chansons de ses plus récents albums. Malgré quelques gouttes de pluie et 25 minutes de retard, la foule était compacte pour entendre un Mononc’ Serge en pleine forme qui a su nous faire bouger, chanter et crier pendant près de 75 minutes de rock francophone. Un artiste incroyable qui mériterait lui aussi un passage sur la scène principale du festival.
3 juillet

Le musicien mythique Breen Leboeuf, au Festivoix. Crédit : Jean-François Veilleux
En me rendant à la scène des Jardins, j’ai arrêté à la veille prison pour entendre The Porters mais c’était trop country pour moi. Par contre, bravo, tout était là : costumes, chapeaux, attitudes, le quintette trifluvien était pleinement dans l’univers western. En fait, je me dirigeais vers la scène du jardin des Ursulines pour entendre le bassiste Breen LeBoeuf (né en 1949) et ses comparses : Rodger Mann à la guitare, Phil Coulombe (Jardin mécanique) à la batterie et Daniel Mongrain à l’autre guitare (très connu dans le milieu métal, il est avec Voivod, mais joue aussi dans Le Show du refuge de Dan Bigras), sans doute l’un des meilleurs guitaristes du Québec. Le quatuor a rapidement enflammé la foule et conquis son auditoire venus en très grand nombre pour cet artiste bien connu. C’était vraiment magique et c’est l’une des heures du festival qui m’a parue la plus courte, tellement l’agréement était présent. Il a terminé par une impressionnante version bien incarnée de « The house of rising sun ». Ce n’est certainement pas ses 72 ans qui vont arrêter ce rockeur et bluesman respectable! Extrait vidéo : https://youtu.be/vM_404p_-xI
7 juillet
J’avais très hâte de revoir France D’Amours (née en 1966), sans doute mon premier amour, car mes parents m’avaient amené la voir quand j’étais encore très jeune. Cette rencontre a clairement influencé mon orientation rock (et mon amour des rousses)! Après 13 albums dont une quarantaine de succès populaires, l’artiste est la meilleure rockeuse du Québec. Elle était accompagnée d’un trio masculin qui rockait vraiment beaucoup, dont un batteur réputé au Canada pour son blues (et neveu du batteur d’Offenbach), et l’appuyait par des « back vocaux ». La complicité était claire, l’artiste dialoguait avec son public et avec ses musiciens avec beaucoup d’humour, se permettant quelques blagues grivoises en présentant ses accompagnateurs. La rockeuse sexy était habillée tout de noir, incluant bottes et mini-jupe de cuir. La séduisante guitariste-chanteuse a offert une prestation énergique et très enthousiaste. La foule chantait bien et frappait des mains chaleureusement et généreusement. Tout le monde était souriant et content de la voir. L’artiste leur a offert une excellente prestation et fait pratiquer divers types de vocalises.
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9 juillet
J’avais très hâte d’aller entendre le pianiste et chanteur Pierre Flynn (né en 1954), leader du mythique groupe rock Octobre (1971-1982). Seul avec son piano, il a rassasié la foule avec sa voix réconfortante, sa musique et des textes entièrement en français. Tout de noir vêtu avec son chapeau, il nous a fait voyager grâce à ses chansons, ses univers et ses rimes. Parfois, le poète de 68 ans, qui ne le paraît pas, lâchait son piano pour créer des ambiances avec son synthétiseur ou utilisait divers instruments comme sa guitare, une chaîne en métal et un base drum au pied grâce à la magie de la technologie. Cet artiste virtuose – sous-estimé à mon avis – a clairement conquis la foule par la puissance de ses mots et de ses mélodies. En plus de ses compositions, il nous a offert quelques-unes des autres dont Michel Robidoux (1943-2021), que le public chantait aussi. Ovation instantanée après 60 minutes de spectacle, l’auteur-compositeur-interprète a offert une pièce en rappel mais ce n’était pas « La maudite machine » réclamée par la foule…

Vincent Vallières et ses musiciens et musiciennes. Crédit : Jean-François Veilleux
Pour terminer la soirée du 9 juillet, parce que le pop rock de Simple Plan ne m’intéresse vraiment pas, Vincent Vallières (né en 1978) sur la scène du Monastère était désigné pour couronner cette journée. Non seulement quatre guitares et un piano étaient à sa disposition, ainsi qu’un base drum au bout de son pied, mais un quatuor à vent professionnel l’accompagnait : deux femmes au trombone et à la flûte traversière, puis deux hommes au cor français et à la clarinette et au saxophone contrebasse. C’était la première fois pour cette nouvelle formule qui créait une ambiance feutrée et bien relaxe. Sa musique est très contemplative, jamais trop rock, et cela nous pousse dans nos souvenirs. L’auteur-compositeur-interprète nous explique souvent le sens de ses pièces ou le contexte de leur composition, ce qui nous permet de mieux le connaître. L’artiste a appris à jouer du piano pendant la pandémie, mais il était très à l’aise avec cet instrument. Parlant beaucoup avec son public entre les chansons, il a raconté qu’il y a vingt ans, alors qu’il finissait son bacc. à l’Université de Sherbrooke en enseignement du français et de l’histoire, il a beaucoup tourné à Trois-Rivières dans les bars, notamment à la Chasse-Galerie de l’UQTR ou au défunt Maquisart. À l’époque, sa blonde l’avait encouragé a tout lâché pendant un an pour se consacrer uniquement à la musique et à l’écriture. Pas surprenant que le thème majeur de ses compositions soit l’amour. Son plus récent album est d’ailleurs consacré aux femmes de sa génération. Le public chantait spontanément avec beaucoup d’enthousiasme. Pour terminer la soirée, il a invité son amie la chanteuse Ingrid St-Pierre pour chanter avec lui une pièce de son groupe punk préféré : Les Vulgaires Machins avec la pièce « Compter les corps », c’était un très beau duo musical. Au total, le concert a duré 75 minutes incluant le rappel : « On va s’aimer encore ».
10 juillet
Le populaire groupe Les Cowboys Fringants a terminé les festivités en grand, attendu et acclamé par le public pendant plus de 90 minutes. C’était au moins la cinquième fois que je voyais ce groupe-phare de la musique québécoise, fondé en 1995, qui représente bien la musique francophone avec des textes humoristiques et engagés. Pas pour rien qu’ils sont connus dans toute la francophonie où la formation a vendu plus de 1 300 000 albums. Ils ont d’ailleurs 17 albums dont 2 live en plus d’avoir créé une fondation en 2006 pour protéger une partie de notre territoire. Je n’ai pas grand-chose à dire tellement c’était agréable, monumental et légendaire, comme à chaque fois que je les vois. Un peu moins fous qu’avant, les artistes étaient quand même en grande forme et ont bien occupé toute la scène principale. Les grands classiques ont été entonnés par la foule tout au long de la prestation et la météo était parfaite en cette soirée au bord du grand fleuve québécois. À la fin de leur spectacle, le chanteur Karl Tremblay a même précisé que Trois-Rivières avait « l’un des plus beaux festivals de musique au Québec »! Une autre de mes belles découvertes est le groupe en première partie, Bon enfant, qui mélange le disco, le pop, le folk, le hard rock et le psychédélique, et qui était à la hauteur de cette soirée mémorable.