Denis Hébert
« L’information est une arme. En démocratie, elle est celle des citoyens » (Bernard Descôteaux, Le Devoir). En effet, pas de participation éclairée des citoyens au débat démocratique sans accès à une information de qualité.
Sachant que c’est cette participation qui fonde et légitime la démocratie représentative, on ne saurait trop insister sur l’importance des médias. Moyens d’expression essentiels pour les acteurs démocratiques, ils jouent un grand rôle dans la formation de l’opinion publique. Or, la capacité des médias à bien jouer ce rôle est de plus en plus menacée par trois phénomènes : concentration de la presse, prolifération des relationnistes et opinionite.
Au Québec, le tirage des quotidiens francophones est détenu à 97 % par deux entreprises (on peut deviner la source du financement de M. Martin Cauchon). Une enquête réalisée en 2008 par la Chaire de recherche en éthique du journalisme de l’Université d’Ottawa révèle que les journalistes syndiqués du Québec s’inquiètent des impacts de cette concentration de la propriété de la presse sur la diversité et l’intégrité de l’information. Selon eux, le sensationnalisme et l’information spectacle menacent de plus en plus le droit du public à une information de qualité. Pour Anne-Marie Gingras, professeure au Département de science politique de l’Université Laval, les médias des entreprises privées font tous plus ou moins directement la promotion des valeurs suivantes : individualisme, respect de l’ordre établi, charité, méfiance envers les organisations de travailleurs, confiance envers le capitalisme et le libre-échange. Dans cette partie de l’espace public sous leur égide, la consommation et l’amusement sont hypervalorisés et l’éventail idéologique va du centre à la droite. Retour sur l’investissement et qualité de l’information ne font en effet pas bon ménage (le fait divers fait diversion, mais il fait aussi recette).
Par ailleurs, Le Devoir nous apprenait l’an dernier qu’on compte au Québec pas moins de six professionnels des relations publiques par journaliste. Or, cette prolifération des relationnistes s’accompagne d’une confusion entre communication et information qui dénature la notion même d’information. Par définition, le relationniste communique uniquement ce qui va dans le sens des intérêts de son client et pratique à sa discrétion un devoir de réserve sur les sujets délicats. Obsédé de crédibilité plutôt que de vérité, c’est un véritable spécialiste de la désinformation.
Enfin, l’opinionite (Tendance obsessive observée chez certains individus à vouloir exprimer à tout prix, avec une énergie hors du commun, et publiquement, leurs opinions sur divers sujets passés, présents et à venir.) est à l’origine de l’émergence dans les médias d’une tendance lourde à vouloir dire aux gens quoi penser plutôt qu’à alimenter leur réflexion, à substituer les chroniques d’opinion aux articles de fond.
Pour conclure, rappelons avec Anne-Marie Gingras que la liberté de presse « ne prend son véritable sens que dans le contexte d’un espace public permettant aux individus et aux groupes de s’approprier l’information et d’agir pour améliorer leurs conditions de vie » et qu’« une presse libre doit ouvrir la voie à un peuple libre ».